Histoire de la perle ancienne (par Georges Dilly)

Historique

Les recherches sur l’histoire de la perle sont fortement liées à la fouille de sépultures archéologiques. Georges Dilly, conservateur du musée de Berck-Sur-Mer et archéologue, nous livre une histoire de la perle ancienne.
Vous pouvez retrouver son article complet ici

De l’origine au moyen âge

Les premières perles en verre semblent avoir été fabriquées vers le milieu du IIIè millénaire av. J.-C., en Mésopotamie (Sumer). Elles suivent les premiers essais de faïence, nettement antérieurs (vers 4000 av.) et ceux de vitrification de perles en stéatite.
Le premier objectif fut sans doute d’imiter la turquoise et le lapis lazuli.

En Europe Occidentale, les perles en verre les plus anciennes sont datées de l’âge du bronze, entre -1500 et -1000. Elles apparaissent en Inde vers -1000 et deux siècles plus tard en Chine.

Le Nouvel Empire égyptien (plus particulièrement la fin de la XVIIIè dynastie vers – 1350) est considérée comme la première grande époque de travail du verre, avec le développement de techniques de plus en plus élaborées. Les perles en verre commencent à supplanter pierres précieuses et semi précieuses. Durant cette deuxième moitié de millénaire, elles apparaissent dans le monde grec (perles mycéniennes à décor de palmette et en forme de grain de céréale).

Les Phéniciens et Carthage à partir de -800 vont jouer ensuite un rôle particulièrement actif, tant au niveau de la création (“”eye beads””, “”head beads””) que de la diffusion dans toute la Méditerranée, leurs produits pouvant ensuite pénétrer assez loin vers l’intérieur des terres. Il est vraisemblable que pendant cette même période, les centres qui s’illustrent dans la production de verre sur noyau (Rhodes, Chypre) fabriquent également des perles.
A la même époque, la présence de perles en verre et leur montage original, enfilées sur l’arc des fibules (broches pour fermer les vêtements), caractérise les mobiliers funéraires étrusques les plus riches.

L’époque qui correspond à l’expansion celte (deuxième âge du fer) est aussi celle de l’expansion romaine. Le goût des celtes pour la couleur les amène à développer, après le recours à l’incrustation de corail, les techniques de l’émaillage. Ils affectionnent aussi les parures de verre (perles et bracelets). Des traces de cette activité ont été identifiées en Bavière, à Berne en Suisse et Stradonice en Bohême (IIIè – IIè siècles). C’est à la même période que se perfectionnent les ateliers hellénistiques (Alexandrie entre autres).

La présence du verre dans le monde romain est entièrement dépendante du moyen orient. Il n’existe en Occident que des ateliers secondaires qui refondent une matière première élaborée sur la côte orientale de la Méditerranée. Le savoir-faire est aussi importé par des artisans orientaux.
A l’inverse du monde celte qui adapte la parure de verre, à ses goûts esthétiques, le monde romain n’engendre pas, en tant que tel, une production originale. Le modèle le plus caractéristique (perle godronnée ou “”melon bead””) survivra à l’empire. Les perles les plus élaborées relèvent de la tradition orientale (perles mosaïques) et peuvent être diffusées sur de longues distances et “”collectionnées””.

Les peuples nomades qui provoquent la chute de l’empire apportent avec eux un goût prononcé pour les parures colorées. Ceci contribue peut être à l’importance prise dans l’habillement par les perles de verre aux VIè et VIIè siècles. Au siècle suivant, en application des instructions de l’Eglise, le mobilier disparaît des sépultures. La vogue des perles de verre colorées profite, dans les pays scandinaves, du dynamisme commercial des peuples vikings. Certains sites, comme celui de Ribe au Danemark, ont livré une quantité considérable d’artefacts liés à la fabrication des perles, activité tout autant identifiée en Norvège et en Suède.
Pendant le moyen âge, l’influence religieuse tend à restreindre l’utilisation des perles à des fins pieuses (chapelets) tandis que les effets de l’expansion islamique désorganisent les circuits traditionnels unissant les deux rives de la Méditerranée.

Les grandes régions productrices de verre tombent sous l’emprise des musulmans qui désormais commercialisent les perles, de la Mer Rouge à la côte est de l’Afrique où leurs comptoirs permanents les échangent contre de l’Ivoire et des esclaves.
D’une certaine manière, le verre islamique est l’achèvement de la tradition issue des ateliers syro-égyptiens.
La conquête mongole (prise de Damas en 1501) et la déportation des artisans, notamment vers Samarcande, mettent un terme, pour certains centres comme Tyr, à 35 siècles de production quasiment ininterrompue

De la Renaissance à l’époque industrielle

Les grandes explorations menées à partir de l’Europe, dès la fin du XVè siècle, vont engendrer un marché immense, nourri par la demande des commerçants et des missionnaires. L’attrait exercé par les perles en verre, sur des populations pour qui ce matériau est inconnu et qui accordent une importance particulière à la parure (Amérique), va placer ce produit au cÅ“ur des échanges avec le nouveau monde (perles contre fourrures). Elles vont également inonder l’Afrique dans le cadre du “”commerce”” triangulaire (perles contre esclaves – esclaves contre sucre, tabac et métaux précieux). Venise, où la production de perles est attestée depuis le XIIIè siècle, est le refuge des artisans verriers fuyant la conquête ottomane (1453 : chute de Byzance). La “”perla rosetta””, seule perle vénitienne à avoir alors été dotée d’un nom (baptisée par la fille d’Angelo Barovier, Marietta), est produite durant la seconde moitié du XVè siècle. La canne qui sert à sa fabrication semble être la seule à n’avoir ensuite jamais cessé d’être produite.
Après avoir été cantonné, comme le reste des activités verrières à Murano en raison des risques d’incendie, le travail des perles à la lampe est autorisé à Venise même, à partir de 1592. Parallèlement, des vénitiens expatriés développent la production de perles en Bohème, Moravie et Hollande qui, dès la fin du XVIè siècle, fournit les comptoirs du sud est de l’Ontario à la Floride. A partir du milieu du XVIIIè siècle, des ateliers français (dont Nevers) travaillent pour l’Amérique et pour l’Afrique.

Les techniques antiques, dont celle du millefiori et du verre mosaïque, sont retrouvées ou tout au moins remises au goût du jour.
Au XVIIIè siècle, Venise détient un quasi monopole de la production de perles en verre. Au début du siècle suivant, l’adoption de procédés mécaniques permet l’obtention de perles minuscules et calibrées.
Durant les années 1880, l’exportation annuelle vers les USA atteint presque les trois mille tonnes. L’activité combine le travail à domicile et l’organisation industrielle. Elle est fortement sollicitée par la mode parisienne des années folles.

La perle contemporaine

La tradition de création de perles au chalumeau est restée vivante dans de nombreux pays depuis le XVIIe siècle, mais elle est longtemps restée affaire de verriers spécialistes comme à Murano ou même en Afrique.

La création de perles au chalumeau connaît depuis quelques années un renouveau, parti des Etats-Unis. Elle sort de plus en plus de cercles d’initiés même si les techniques du verre nécessitent une certaine pratique.
Si certains grands noms de la perle contemporaine sont issus de familles de verriers, on rencontre également des perliers issus de tous horizons.

La pratique du verre pour la création de perles se croise souvent avec celle de la sculpture ou de la création de bijoux. Mais être facteur de perles est une discipline à part entière grâce à laquelle il est possible de créer des univers imaginaires dans un espace de matière petit, voire minuscule.
La part de création du perlier est primordiale. Chaque perle est une sculpture unique, issue de la dynamique du travail du verre en fusion.